27 août 2015

The church to be

Tonton Bédouin raconte


La chapelle Sainte Thérèse de Riva-Bella


Dans les années qui précèdent la guerre de 14, le développement de la station balnéaire de Riva-Bella incite un certain nombre de propriétaires et d'estivants encouragés par le curé de l'époque, le chanoine Petit, à envisager la construction d'une chapelle destinée au culte dominical, l'église Saint Samson étant jugée un peu lointaine. Pas seulement pour eux d'ailleurs qui disposent de temps et parfois de moyens de locomotion mais aussi pour leur personnel de maison dont ils veillent à la pratique religieuse mais qu'un trop longue distance pourrait distraire ou dissuader... Ils font part de leurs préoccupations à l'évêque, Monseigneur Lemonnier venu en 1912 inaugurer le calvaire de la route de Caen. "Construisez une chapelle et meublez la, je la ferai desservir par le curé de la paroisse", répond en substance le prélat. L'idée fait son chemin, mais l'assassinat d'un certain archiduc au début de l'été 14, allait remettre en cause pendant plusieurs années beaucoup de projets y compris les constructions de chapelles...Les années passent, mais l'idée reste et le chanoine fait un peu de lobbying comme on dirait aujourd'hui, la presse locale comme l'Echo des plages s'en mêle, la bonne société adhère au projet, si bien qu'à l'occasion d'une visite du nouvel évêque, Monseigneur Suhard, une réception a lieu, le 23 août 1929 sur l'invitation d'une grande bourgeoise, madame Vallery-Radot, chez elle à la villa Andry; au cours de ce pince-fesse bien pensant, naît sous la présidence de Monsieur Buisson et avec la bénédiction si l'on ose dire du maire Alfred Thomas et de l'évêque, un "Comité pour l'érection d'une chapelle à Riva-Bella" Eh oui à l'époque on n'avait pas peur des mots...Le comité se met au travail, collecte de fonds, recherche de terrains. On pense à acheter l'ancien casino, le fameux "Kursaal", désaffecté depuis l'ouverture du nouveau près de la plage. Trop cher, on se rabat sur un bâtiment en bois, un ancien dancing de l'autre côté de la rue, l"'Etoile Dancing" et on fait affaire en novembre 1929 pour 145 000 francs.  

Le dancing "Etoile" dans son état initial



Transaction en apparence rondement menée mais les fonds manquent pour parfaire le projet; le comité aurait souhaité en effet démolir l'édifice existant pour disposer du terrain et y construire quelque chose d'apparence un peu plus religieuse qu'un baraquement dont bon nombre de paroissiens se souvenaient de l'ancien lieu de plaisirs qu'il avait été. Un architecte est missionné, Eugène Duroy, qui produit une esquisse du sanctuaire reproduite sur cartes postales vendues au profit de la future construction.

 

De la java aux cantiques


Le projet, financièrement irréaliste, échouera et on se résoudra à célébrer les offices dans le dancing rénové et transformé en chapelle par les soins de l'entreprise Rizzotto pour le début de la saison 1931. Le brave Chanoine Petit était, il faut le dire, particulièrement opposé à la célébration de la messe dans cet ancien lieu de plaisir. Sa fort opportune mutation-promotion pour la cure de Sainte Catherine d'Honfleur arrangera les choses et c'est à un nouveau curé, l'abbé Bouillot, que reviendra le soin d'inaugurer et de bénir en juillet 1931 le nouveau sanctuaire doté de tous les attributs d'une authentique chapelle, clocheton, sacristie, autel, chaises et bien entendu, statues dont celle de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus sous le vocable de laquelle sera placée la petite église. La carmélite normande, canonisée en 1925, est, en effet, très à la mode à la fin des années trente.


Encart publicitaire vers 1930 de l'entreprise de construction Rizzotto qui réalisa les travaux de transformation du dancing en chapelle après avoir excellé dans ceux du nouveau casino.

On passa donc ainsi du dancing "l'étoile" à l'Etoile de Bethléem; la chapelle qui conservera longtemps le qualificatif de "provisoire"entra en service à la satisfaction de tous les fidèles, messe dominicale en saison et offices en semaine, y compris pendant l'occupation allemande au cours de laquelle au moins un service hebdomadaire est assuré. Les combats de 1944 ne lui causèrent que peu de dégâts. Avec le retour à la paix, le développement de la station balnéaire de Riva Bella rendit rapidement insuffisantes les trois cents places de la chapelle. Les années cinquante et les années soixante naissantes sont encore ferventes, on se bouscule à la messe du dimanche, "congés payés" comme bourgeoisie locale ou résidents secondaires aisés. Le vieux bâtiment est mal ventilé et, aux parfums d'encens, se mêlent, les chauds dimanches d'été, les effluves diverses de transpiration de cette époque pré-Rexona. Les témoins de l'époque évoquent une véritable "épreuve"!



L'autel de bois sculpté, depuis 1985 dans le choeur de l'église Saint Samson, est l'ancien autel de la chapelle Sainte Thérèse

Quand le provisoire fait de l'usage


On songe donc à agrandir ou même mieux à reconstruire. Le Chanoine Coeuret, curé de Ouistreham depuis 1960, s'attelle à cette pieuse oeuvre et apporte son soutien au nouveau comité qui voit le jour en juillet 1964 sous le nom d'association "La chapelle de Riva". L'architecte L. Hugues est chargé de concevoir un projet. La paroisse ne peut compter que sur ses propres ressources et sur la générosité des fidèles. L'évêché même s'il est favorable à cette construction a précisé qu'il n'apporterait pas de contribution, l'oeuvre des "Chantiers du diocèse" se consacrant exclusivement en ces années d'urbanisme galopant à la construction d'églises dans les nouveaux quartiers périphériques de Caen notamment. On reprend donc une campagne de recherches de financements, d'appels aux dons des paroissiens, de kermesses, concerts et autres ventes de charité. En fonction des fonds disponibles, des rentrées espérées et des devis on passe d'un projet initial qui consistait à démolir l'ancienne chapelle et à en construire une nouvelle de 820 places à quelque chose de plus modeste, un vaste bâtiment en dur, doucement lumineux, élancé et propice au recueillement. On conserve pour le moment l'ancienne chapelle accolée au nouveau sanctuaire, remettant à des jours meilleurs et sa démolition et son remplacement par l'aile prévue sur les plans initiaux. La première pierre est posée le 28 août 1965 et l'inauguration, même si les aménagements sont loin d'être terminés, a lieu le dimanche 9 juillet 1967 sous la présidence de l'évêque de Bayeux et Lisieux, André Jacquemin.


L'ancienne chapelle accolée à la nouvelle et conservée pour des événements exceptionnels, telle qu'on pouvait la voir jusqu'en 1985. Le vénérable bâtiment ne fut en fait pratiquement plus utilisé à partir de 1967.

Vers l'édifice actuel


Il faut attendre 1974 pour que les travaux d'aménagement intérieur soient totalement terminés et les emprunts remboursés, Mais les finances du comité sont exsangues et les paroissiens un peu las...C'est pourquoi malgré les demandes pressantes de l'évêché et les relances de l'architecte qui souhaiteraient voir mener à terme le projet initial de 1965, l'association "Chapelle de Riva" temporise jusqu'en 1984; la paroisse dispose alors de quelques liquidités provenant de dons ainsi que, cette fois, d'une promesse de subvention de l'évêché, l'architecte a de son côté modifié son projet et prévu une absidiole de quelques travées en lieu et place de l'ancienne chapelle permettant de conserver un volume harmonieux à l'édifice. Il faut dire également que la baisse de la pratique religieuse à Riva comme ailleurs ne rend plus nécessaire les sanctuaires surdimensionnés... Même si l'association est de prime abord réticente, d'autres besoins sont plus criants comme l'école privée par exemple, on finit par décider de l'achèvement de la chapelle dont le financement semble en définitive assuré par plusieurs promesses de dons selon la formule originale des "Dépôts-Prêts". La chapelle Sainte Thérèse, dernière version, est ainsi terminée pour la saison 1986 et inaugurée et bénite le dimanche 17 août 1986. Heureuse initiative du député-maire de l'époque André Ledran, le jardin qui entoure la chapelle et qui souffrait d'un manque d'entretien faute de moyens, est rétrocédé par l'évêché à la commune qui  en a fait un jardin public et l'entretient désormais, procurant à la jolie chapelle un environnement de qualité.  Le vieux dancing devenu sanctuaire a disparu, seul en subsiste le sol fissuré où se mêlent souvenirs des pas des guincheurs et des pieuses génuflexions...Sic transit gloria mundi...



la chapelle Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus aujourd'hui

 

Ite missa est...


Comme on chante dans le Graduel... romain... Tiens, à propos de musique, heureusement qu'elle est là la chapelle, pour accueillir de superbes concerts lorsque l'ego surdimensionné d'un édile refuse une initiative musicale remarquable. (cf un précédent article de LPB "la portée de Romain Bail").


Concert à la chapelle dans le cadre de l'Académie musicale internationale de la Côte de nacre. Au fond, "la Cène" oeuvre superbe du peintre ouistrehamais Roland van Leberghe (décédé en 1997). Photo LP 2015

Sources: 
  • Dr J L'hirondel La belle histoire de la chapelle de Riva
  • Presse locale